L'Égypte a fortement influencé l'Europe et le monde occidental par le truchement de l'empire gréco-romain. Notre passé puise naturellement ses sources dans sa culture et sa religion. Parmi les religions orientales, l'égyptienne était la plus répandue auprès des peuples de l'Occident, notamment des Grecs. Une connivence évidente existe entre l'Égypte et la Grèce depuis l'antiquité.
À partir de l'époque hellénistique, un mariage spirituel s'installa entre les deux nations, dont Alexandrie fut le foyer idéologique indéniable. Dans sa grande bibliothèque (de 288 av. J.-C. à 642 de notre ère), devaient se trouver les écrits de Plutarque, de Strabon et même de l'antique Platon. La majorité de ces textes, comme Isis et Osiris, Géographie XVII ainsi que le Timée et le Critias, tirent leur inspiration de la pensée égyptienne ; dès lors, on imagine avec quelle simplicité les concepts égyptiens ont pu se diffuser grâce à la culture grecque et se répandre dans le monde occidental via Alexandrie.
Lorsque l'on évoque l'Atlantide, les plus attentifs d'entre nous se souviennent que la légende grecque attribue cette version à un prêtre de l'Égypte antique. De nombreux spécialistes et admirateurs de l'Égypte ancienne évoquent ici et là l'existence d'une Atlantide égyptienne - ainsi que la "véritable histoire de l'Atlantide" - sans pour autant nommer la source de cette information, ni même son contenu. Inutile de faire durer le suspens plus longtemps, cette version se trouve simplement et exclusivement sur les murs du temple d'Edfu en Haute-Égypte.
Reconstitution de l'Osireion à l'époque pharaonique
par Frantz Lasvignes,
© 2013 Lasvignes-Parks.
Le temple d'Horus à Edfu au début du siècle dernier.
Sur ces murs nous trouvons les textes de Thot intitulés Le Livre du Commencement de l'Âge Primordial des Dieux et Le Livre de la Description des Monticules Sacrés au Commencement de l'Âge Primordial.
Ces deux registres semblent rapporter la version originelle de l'Atlantide extraite d'anciens papyrus aujourd'hui disparus.
Platon tirait son histoire de l'Atlantide du récit de son élève Critias, lequel la découvrit dans un manuscrit inédit de son ancêtre Solon, le grand légiste et fondateur de la constitution athénienne. Critias rapportait que la légende avait été ramenée en Grèce après la visite de Solon en Égypte du Nord, et particulièrement à Saïs dans le delta du Nil. Cela se passait entre 593 et 583 avant J.-C.
Platon racontait que le conte traduit de l'égyptien par Solon trouvait son origine dans le langage primitif des Atlantes. Crantor, le premier commentateur de Platon, rapporta que l'histoire de l'Atlantide, version égyptienne, était présentée à ses contemporains grecs par les prêtres égyptiens. Ces derniers affirmaient que la légende était inscrite sur les murs de plusieurs temples, comme celui d'Edfu construit plus tardivement.
Si cette information est exacte, il semble bien que seule la version du temple d'Edfu ait survécu dans toute l'Égypte ! Cette dernière est récente de plus de 450 années comparativement aux textes de Platon. Cependant, cette variante d'Edfu est à la fois si différente et si archaïque dans son style, qu'elle semble clairement plus ancienne que la traduction égyptienne hellénisée et romancée par Platon.
Le récit gravé à Edfu est attribué au dieu Thot en personne (cf. E.VI, 181,10) et reproduit sur les murs du temple à partir d'anciens papyrus manifestement perdus. Il s'agit incontestablement des mythiques tablettes ou registres de Thot. Lorsque l'on évoque les textes de Thot, on pense généralement aux Tablettes d'Émeraude ou autres écrits, dont nous ne connaissons aucunement la provenance, ni même l'authenticité. En revanche on ne peut douter du sérieux de ces gravures que chacun peut observer sur les murs de ce temple.
Cette composition prestigieuse, répartie en plusieurs copies plus ou moins complètes sur les murs du temple d'Horus, est communément intitulée La Cosmogonie ou la Genèse d'Edfu ou tout simplement Les Textes des Bâtisseurs. Plusieurs registres (section E.VI) composent cette cosmogonie de l'Égypte essentiellement gravée sur les faces internes des deux murs d'enceinte (parois est, nord et ouest) et sur l'encadrement des portes du passage I'J1. Une étude remarquable sur ce sujet fut éditée en 1969 par l'égyptologue Eva Anne Elyzabeth Reymond. Son ouvrage s'intitule : The Mythological Origin of the Egyptian Temple.
Nous allons tenter d'y voir plus clair avec les quelques éléments malheureusement fragmentaires décryptés à ce jour. La traduction complète de la genèse d'Edfu effectuée par Mme Reymond n'apparaît pas dans son étude et n'a jamais été publiée. En page 11 de son ouvrage, elle explique : "Traductions et commentaires des sources principales de notre étude ne sont pas inclus dans le présent travail parce qu'une étude philologique proprement dite de ces textes demanderait un volume considérable et un prix élevé. Vu l'importance de ces textes, il a été cependant jugé utile, pour le moment, de réaliser un résumé détaillé des documents principaux de la cosmogonie d'Edfu".
L'unique et le remarquable de ces documents résident dans le fait qu'ils sont parfaitement inédits. On ne les retrouve qu'à Edfu. Ainsi les précieuses inscriptions de ce temple nous permettent plus ou moins la reconstitution de manuscrits, peut-être à jamais perdus, telle cette Description des Monticules Sacrés au Commencement de l'Âge Primordial. Ils étaient probablement archivés parmi les rouleaux de la grande Bibliothèque d'Alexandrie dont on connaît la funeste disparition.
Il n'existe pour l'heure aucune traduction complète et fidèle de la section E.VI du temple d'Edfu. L'université d'Hambourg (Archäologisches Institut der Universität Hamburg) se charge du projet de traduction depuis de nombreuses années pour le compte de "Das Edfu Projekt". Alors que je rédige ces lignes, la traduction des sections E.V et E.VI se poursuit encore. Ce travail s'étend sur une durée de 12 années (de 2004 à 2016).
À défaut d'une interprétation intégrale de ces textes, nous tenterons de recomposer cette histoire avec les éléments préalablement décryptés, ajoutés à ceux que j'ai modestement déchiffrés et interprétés. Par ordre d'importance, les documents traitant de ce sujet et qui m'ont servi de base, sont les suivants :
Le Livre du Commencement de l'Âge Primordial des Dieux et Le Livre de la Description des Monticules Sacrés au Commencement de l'Âge Primordial :
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Émile Chassinat, Le Temple d'Edfou - tome sixième, le Caire, Institut français d'archéologie orientale, 1931. (Transcription complète de la section E.VI en hiéroglyphes) + extraits du quatrième tome pour les passages E.IV, 358,9 à 359,3.
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Eva. A. E. Reymond, The Mythological Origin of the Egyptian Temple, Manchester University Press, 1969. (Etude quasi complète du Livre du Commencement de l'Âge Primordial des Dieux et du Livre de la Description des Monticules Sacrés au Commencement de l'Âge Primordial, mais sans la traduction).
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Maurice Alliot, et André Barucq, Les textes cosmogoniques d'Edfou d'après les manuscrits laissés par Maurice Alliot, BIFAO 64, 1966. Traduction partielle du Livre du Commencement de l'Âge Primordial des Dieux. Parties traduites de 181,10s à 185,2, soit 17 registres sur les 21 que compte ce livre cosmogonique.
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Sylvie Cauville, Essai sur la théologie du temple d'Horus à Edfou, volumes 1 et 2, Institut français d'archéologie orientale, 1987. (Etude sur l'ensemble des textes).
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Nathalie Baum, Le temple d'Edfou, éditions du Rocher, 2007. (Etude sur le temple et ses textes).
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Jon, D. Singer, La filière égyptienne aux sources de l'Atlantide de Platon (1980) in magazine Khadath n°62, 1986. (Etude sur le livre de Reymond).
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François Dumas, E. A. E. Reymond. The Mythological Origin of the Egyptian Temple, In Revue de l'histoire des religions, tome 198, n°2, 1981. (Petite étude sur le livre de Reymond).
Le Livre du Disque Ailé :
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Émile Chassinat, Le Temple d'Edfou - tome sixième, le Caire, Institut français d'archéologie orientale, 1931. (Transcription complète de la section E.VI en hiéroglyphes).
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Henrich Brugsch, Die Sage von der Geflügelten Sonnenscheibe nach altägyptischen Quellen, Göttingen, in der Dieterichschen Bruchhandlung 1870.
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Wallis Budge, Legends of the Gods, (The Egyptian Texts, edited with translations), Kegan Paul, Trench, Trübner & Company, Limited, London.
Grâce à ces différents documents, j'ai pu reconstituer les registres de Thot inscrits sur les parois I'O, I'N et I'E du temple d'Edfu. J'ai eu recours à la transcription originale d'Émile Chassinat, datée de 1931, afin de traduire à la source et de vérifier les passages déjà interprétés par mes prédécesseurs.
La difficulté majeure à laquelle je me suis heurté est l'orthographe de certains hiéroglyphes dont l'interprétation peut porter à confusion. Ces textes possèdent, en effet, différents niveaux de lecture. Seuls des "initiés" pouvaient les déchiffrer convenablement.
"Copie de l'oeuvre de Thot, selon les Sages de Uâret : on l'appelle le Livre du Commencement de l'Âge Primordial des Dieux". E.VI, 181,10-11
"L'oeil du Son tomba [et s'étendit] sur les flots. Issu d'un désastre, il créa le déluge et la vague du combat. Lorsque la lumière apparut de nouveau et que les eaux primordiales Uâret resplendirent, Wa et A'â, les deux créatures divines et compagnons du Coeur Divin, émergèrent des flots stabilisés. Elles se dirigèrent vers l'île obscure Yu-Titi (l'île du piétinement), à laquelle étaient adjointes deux autres îles principales : Yu-Hetep (l'île de la paix) et Yu-He (l'île du Combat). Les deux compagnons étaient les chefs du groupe dénommé les Shebitiu. A leur arrivée, les deux compagnons découvrirent des roseaux aux abords des eaux primordiales et la lance plantée du dieu Heter-Her (Horus l'ancien). A cette place, ils fabriquèrent leur demeure Ges-Uâret (la frontière des eaux primordiales), à l'emplacement de celle du dieu Bon (Ptah-Osiris) qui était désormais à l'instant du midi [dans le ciel]".
E.VI, 181,11-15
Lignes 9 à 11 de E.VI, 181.
La fin de la ligne 11 signale distinctement la chute de l'oeil du Son.
"Une île merveilleuse apparut ; 'Horus sanctifié' est le nom de sa cité. Il est notre seigneur Neb-Heru. (Il) vint pour formuler le mot [créateur] et le nom fut prononcé [...]. 'Le nom est celui-qui-créa-la-région, le nom est Râ, le nom est Horus-Râ', dirent les Shebitiu. Le soleil toucha de nouveau les eaux et la butte sacrée - l'endroit du massacre des ennemis. Parmi les terres ressurgirent trois domaines. Ces trois terres appartenaient au grand mont primordial sorti des flots. De hauts monticules dénommés "la place où les ennemis furent réduis à néant", "le territoire de l'Ancêtre" et "le pays de celui qui est grand en arme". Tels furent leurs noms donnés à cette époque".
E.VI, 182,11-15
"En l'an 363 de sa Majesté Râ, le Sacré, - le Faucon de l'Horizon - l'Immortel Éternellement Vivant, s'en fut allé dans le pays de Khenn (la Nubie). Il était accompagné de ses guerriers, car les ennemis avaient comploté contre leur Seigneur dans la région que l'on nomme depuis Ua-Ua (un domaine au nord de la Nubie).
Râ s'était mis en route dans son vaisseau avec ses Suivants. Il débarqua dans la région du Lieu du Trône d'Horus (Edfu), dans la partie occidentale de la région, à l'est de la Maison de Khennu, la royale ainsi nommée depuis ce temps-là. Horus-Behutet, vint sur le bateau de Râ. Il dit à son ancêtre : 'Ô Faucon de l'Horizon, j'ai vu l'ennemi conspirer contre ta Seigneurie (pour s'emparer) de ta Couronne de Lumière'.
Alors Râ, l'Auguste, le Faucon de l'Horizon, dit à Horus-Behutet : 'Noble descendant du Soleil, mon enfant : Presse-toi, renverse l'ennemi que tu as vu'. Alors Horus-Behutet, s'envola haut vers le soleil dans le Disque Ailé : voilà pourquoi, depuis ce jour, on le nomme "Grand Dieu, Seigneur des Cieux".
Du haut du ciel, dans le Disque Ailé, il vit les ennemis et s'approcha d'eux par derrière. Ainsi, il lâcha sur eux une telle force terrifiante, si bien que leurs yeux ne purent voir, ni leurs oreilles entendre. En un instant, il amena la mort sur chacun : pas un ne survécut !
Alors Horus-Behutet, apparut dans le Disque Ailé brillant [multicolore], et il revint au vaisseau de Râ, le Faucon de l'Horizon. Et Thot dit à Râ : 'Ô Seigneur des dieux ! Horus-Behutet est revenu dans le grand Disque Ailé brillant'. C'est pourquoi, depuis ce jour, on l'appelle 'Behutet'. Et depuis cette journée aussi, on appela la cité de Hut-Behutet, à cause d'Horus-Behutet.
Râ enlaça son 'double'. Râ formula à Horus-Behutet : 'Tu as projeté les gouttes de sang dans l'eau. Que ton coeur soit satisfait pour cela'. Pour cette raison, le canal de Horus-Behutet fut nommé [...] depuis ce jour. Et Horus dit : 'Avance, ô Râ ! Vois tes ennemis couchés en bas, sur terre !'. Alors Râ, le Sacré, fit route vers l'avant : la planète Vénus l'accompagnait."
E.VI, 109,9 - 112,4
"Ensuite les ennemis se dressèrent devant lui au bord de le détroit encombré. Leurs visages étaient tournés vers la région maritime et la mer arrière de Uatch-ur (la Méditerranée). I
ls voulaient l'atteindre à la voile, mais le dieu frappa leurs coeurs et ils s'enfuirent et disparurent dans les eaux de la région des îles de l'Amenti (l'Atlantide). Ils se rassemblèrent dans les eaux des îles afin de retrouver les ennemis (qui servaient) Seth et qui se trouvaient dans cette région.
Horus-Behutet, équipé de toutes ses armes de guerre pour la lutte, les poursuivait sur le détroit encombré."
E.VI, 118,1-4
Extrait des chapitres 1 et 3 de la 6e partie : Moïse, voleur et parjure :
1. La documentation en cunéiforme d'Amenhotep III et d'Akhenaton
On a retrouvé nombre de documents importants dans le sol amarnien. L'ancienne cité d'Akhenaton renfermait des correspondances royales inscrites sur des tablettes rédigées en cunéiformes akkadiens, langue diplomatique et commerciale de cette époque. En 1887, après la découverte des premières tablettes, des fouilles clandestines envahirent le site. En un an, on estime à près de 200 tablettes vendues sur le marché noir au Caire. Par chance pour l'histoire, quelques-unes parvinrent à des musées étrangers.
Ces tablettes d'argile, rédigées en cunéiformes, se composent principalement en missives échangées entre la cour royale égyptienne et leurs vassaux du Proche-Orient ainsi que leurs alliés de Babylonie et d'Assyrie. Elles ne représentent qu'une partie des archives royales, le reste étant perdu ou détruit depuis longtemps. Malheureusement, les réponses du côté égyptien ayant pratiquement toutes disparues, nous ne disposons que des correspondances envoyées à l'attention d'Akhenaton et son père Amenhotep III par leurs différents sujets ou alliés des nations voisines.
85. Lettre diplomatique de Burra-Buriyash de Babylone à l'attention de Naphurareya (Akhenaton), Middle East Department, British Museum.
Extrait du chapitre 2 de la 6e partie :
-3114 / 2012, Le début et la fin...
Aux alentours de 3200 et 3000 ans av. J.-C., sans aucune raison apparente, le monde se réveille d'un long chaos et l'histoire marque ses premiers pas d'une empreinte indélébile encore visible dans le sol. Cette époque manifeste les premiers arts et les premières civilisations historiques.
Au-delà, nos livres d'histoire ne mentionnent rien, si ce n'est cette éternelle et énigmatique préhistoire qui débuta avec la naissance de l'homme dont les experts ont toujours beaucoup de mal à définir la date d'apparition.
Ainsi, entre 3200 et 3000 ans av. J.-C., sous une énigmatique impulsion d'une durée de deux à trois siècles seulement, et sans aucune logique explicable scientifiquement, le monde se réveille de nulle part et les premiers rois historiques commencent à régenter le genre humain d'Égypte à Sumer...
Si l'on en croit les manuels d'histoire, des arts et des techniques totalement révolutionnaires et inédits apparaissent déjà formés "à partir de rien". Parmi les nombreuses révolutions culturelles et civilisatrices de cette époque-clé, nous pouvons noter l'apparition de la roue qui fait franchir à l'humanité un pas de géant. Elle révolutionne les transports, les déplacements et l'art du combat.
Sans conteste, elle ouvre la voie au développement des communications et des échanges. Sa mise en service semble commencer en Ancien Orient. Sa plus ancienne représentation parvenue jusqu'à nous provient de la gravure d'une tablette du temple d'Inanna à Erech (Sumer) où l'on voit un chariot à deux roues. On date cet objet entre 3200 et 3100 avant notre ère.
À la même époque, apparaissent entre l'Égypte et Sumer, le clou, la scie et la soudure. Les premiers hiéroglyphes officiellement retrouvés datent de cette même période. L'archéologue allemand Günter Dreyer les découvre en 1988 dans la tombe Uj d'Umm el-Qaab. Près de 190 artéfacts en os, en bois et en ivoire sont mis au jour. Ils forment les premiers hiéroglyphes connus. L'écriture cunéiforme sumérienne fait son apparition sensiblement au même moment. Toujours vers 3100 av. J.-C., apparaissent également les plus anciens instruments de musique comme la flûte et la harpe. La poterie était déjà présente, au moins depuis le huitième millénaire avant notre ère, mais le tour du potier ne se manifeste que vers -3000 en Égypte.
À cette époque, l'humanité passe de la hutte à la cité et aux transactions commerciales dans l'Ancien Orient. Les premiers vignobles entretenus par l'homme se retrouvent encore dans cette tranche d'âge ainsi que le parfum. La domestication des abeilles en Égypte date également de cette période. La mesure du temps apparaît avec les premiers outils sophistiqués et les villes. En ces temps incroyables, nous pouvons également mentionner l'utilisation de l'araire et de la charrue, l'utilisation intensive des premiers instruments en cuivre et en bronze, l'invention du savon, de l'épingle, du miroir... Que s'est-il passé ?
Située à 1,7 km au nord d'Umm el-Qaab, se dressent les restes d'enceintes en briques crues des enclos funéraires de Kom el-Sultan (la colline du Sultan) découvertes par Mariette dans les années 1860. Émile Amélineau les associait très justement à Osiris. Ces structures sont aujourd'hui encore énigmatiques en raison de leur mauvais état de conservation. Le site fut ensuite fouillé par Flinders Petrie et T. Eric Peet au début du siècle dernier. Depuis 1986, le Pensylvania-Yale-Institute of Fine Arts l'étudie sous la direction de David O'Connor.
En 1991, David O'Connor fait la fantastique découverte de 12 énormes bateaux ancrés dans le désert, le long du mastaba ouest et de l'enceinte du roi Khasekhemwy. Depuis cette date, on trouva deux autres navires, ce qui rallonge la liste à 14 bateaux, soit le nombre sacré d'Osiris. La découverte d'embarcations n'est pas inédite en Égypte, de grandes barques se trouvent à Saqqarah, près des tombes fictives des premiers rois historiques, et aussi dans les cimetières d'Helwan. Ces navires forment généralement des barques funéraires prêtes à embarquer les âmes des souverains pour les aider à traverser l'éternité lors de leur dernier voyage. La grande différence entre les embarcations d'Abydos et les barques funéraires déjà connues, se trouve dans leurs tailles plus imposantes. Leurs proues et leurs poupes démesurées créaient également la grande distinction avec les traditionnels navires funéraires. De plus, les barques d'Abydos ne sont aucunement associées à des rois. En fait, leur utilisation reste, à ce jour, un mystère complet.
Les barques d'Abydos s'étalent sur le sable de façon régulière, les unes à côté des autres le long du mur de l'enceinte du roi Khasekhemwy. David O'Connor note que d'un point de vue stratigraphique, les navires abydiens sont plus anciens que l'enceinte elle-même ; découverte d'ailleurs confirmée lors de la datation des embarcations. Les longueurs des embarcations varient entre 18 et 24 m et chacune d'entre elles se cale dans une tranchée en brique d'une moyenne de 26,25 m de long, revêtue d'une épaisse couche de plâtre et blanchie à la chaux. Quoi que mal conservées et leurs bordages endommagés par les termites, nous savons que les coques, d'une soixantaine de centimètres de profondeur, s'enfilent en mortaise par des cordages tandis que les planches en bois sont tapissées de roseaux. Il s'agit d'une technique totalement inconnue pour les navires égyptiens.
La fabrication de ces embarcations ne relèvent pas de simples maquettes ou de barques fictives puisqu'elles pouvaient naviguer et contenir jusqu'à trente rameurs. Les derniers relevés nous indiquent une datation vers 3000 av. J.-C., ce qui accorde à ces bateaux la place de plus anciens navires au monde retrouvés à ce jour. Pourquoi ces 14 embarcations furent-elles ancrées à Abydos, domaine sacré de Khentamentiu-Osiris, précisément vers -3000, donc à l'époque où la civilisation se réveilla un peu partout, et particulièrement dans l'Ancien Orient ? Le fameux calendrier maya va nous donner la réponse. [...]
La plupart de ces lettres illustrent la situation politique de cette époque, alors que les Hittites menaçaient les villes-états de la Syrie. Ces derniers font appel aux renforts de l'Égypte, en vain. Concernant la documentation sur la Palestine, les tablettes font état de conflits locaux au cours desquels les différentes parties sollicitent l'intervention des Égyptiens.
Il semble qu'Amenhotep III soit resté sourd aux diverses requêtes de ses vassaux. Sans doute ne se soucia-t-il guère de prendre parti pour des gens qui continuaient de toute façon à reconnaître la souveraineté et le protectorat égyptien. La situation était très grave et marqua le début d'un déclin incontestable du prestige égyptien. Les négligences d'Amenhotep III laisseront à son fils un empire où le désordre régnait déjà. L'histoire et les archives de El-Amarna nous apprennent qu'Akhenaton ne fera guère mieux par la suite.
Les archives sur argile de la cité du soleil se divisent de cette façon : 350 documents constituent la correspondance royale et une trentaine d'autres textes forment un type littéraire où se mêlent documents historiques et mythologiques. Dans cette dernière catégorie se trouvaient des fragments du mythe de Nergal et Ereshkigal, une version de la légende d'Adapa (fragment B) et une copie du texte historique "Sargon, roi de la bataille". Ce dernier document relate une campagne menée par Sargon en Anatolie, contre la ville de Purushanda. La naissance de Sargon d'Akkad possède plusieurs points communs avec celle de Moïse, Nombre de lecteurs et chercheurs le savent.
Akhenaton était une personne très cultivée. Nous pouvons prévoir que d'autres textes fondamentaux de l'ancienne Mésopotamie se trouvaient dans sa capitale. Les documents trouvés à El-Amarna ne forment que des miettes appartenant à l'ancienne bibliothèque royale.
3. El-Amarna
La transition entre Amenhotep III et Amenhotep IV (Akhenaton) crée aujourd'hui encore un fossé entre les historiens. Y a-t-il eu corégence entre le père et le fils ou bien Tiyi, la femme du pharaon, se chargea-t-elle de régner le temps de transmettre à son fils la science de l'autorité royale ? Un bas-relief du troisième pylône du temple d'Amon-Râ (Luxor) représente le père et le fils couronnés, participant aux fêtes jubilaires. La seconde possibilité semble très probable également. Plusieurs documents le suggèrent, comme par exemple une lettre du roi Tushratta du Mitanni (Haute Mésopotamie) adressée à la reine égyptienne. Un début de corégence eut probablement lieu lorsque Tiyi prit la relève après la disparition d'Amenhotep III. Tiyi connaissait tous les secrets d'état et elle seule pouvait diriger le pays ; elle transmit certainement tout son savoir au jeune roi.
La transition se fait donc à la cour royale de Memphis. Râmosé, au service Amenhotep III depuis trente ans, doit poursuivre son oeuvre auprès du jeune fils. On ne lui donne sans doute pas le choix. Dès la troisième année de son règne, le futur Akhenaton entreprend d'introduire des modifications importantes dans l'iconographie cultuelle en adoptant des figures tout à fait inhabituelles qu'il place dans tout le pays. Ces transformations apparaissent de façon publique à l'occasion de la célébration de son jubilé Heb-Seb. Traditionnellement, un tel jubilé se célèbre après 30 ans de règne, mais Amenhotep IV en décrète autrement, nous n'en connaissons pas les raisons.
Lors de cette fête, le roi doit redresser symboliquement le pilier Djed renversé par Seth lors de l'assassina de Ptah-Osiris. Le Djed assure l'équilibre d'où son nom Djed ("stabilité" et "durée"). Ce rituel très ancien renouvelle l'acte d'Horus signalé dans les textes de Thot à Edfu. On se souvient que la destruction des piliers Djed dans l'ancienne Amenti (Atlantide) provoqua sa destruction. En redressant ou restaurant le pilier originel, le roi assure ainsi la prospérité et la protection au pays tout entier. Par ce geste, le souverain reproduit aussi un rite millénaire très sacré. Lorsque le roi Akhenaton effectue ce rituel réalisé quelques années à peine après son père, il ne se doute pas un seul instant que son geste va marquer le début de sa propre perte [...].
87. Le roi Sethy 1er relève le Djed sacré devant Isis dans son temple à Abydos. Il restaure symboliquement la stabilité du pays et reproduit le geste d'Horus réalisé plusieurs millénaires avant lui en Amenti (Atlantide).
À partir de ce jubilé, le jeune roi voue un culte fervent au soleil Iten (Aton). En un premier temps, le culte des anciens dieux n'est pas remis en cause, mais plutôt son fonctionnement et celui du clergé d'Amon. La crise éclate véritablement en l'an V de son règne, lorsque Aménophis IV remplace son nom en Akhenaton ("celui qui plaît à Aton"). A la même époque, il choisit de construire sa nouvelle capitale consacrée à Aton, située à 450 km au Nord de Thèbes, en plein désert.
El-Amarna, plus simplement, Akhetaton ("l'Horizon d'Aton"), forme une cité du Soleil édifiée au milieu de nulle part. Akhenaton souhaite créer un nouveau culte où tous les Grands Mystères anciens doivent se dévoiler à la lumière. Les temples à ciel ouvert de sa capitale proclament la lumière naissante de chaque jour. L'ensemble du site ne dispose d'aucune muraille. Sur pratiquement tout le domaine, les habitations des riches et des pauvres partagent le même sol. En fait, toutes les classes de la société amarnienne résident côte à côte. La cité d'Akhenaton abrite une multitude d'ouvriers, de marchands, de notables et de courtisans.
En à peine plus de deux années seulement, le gros oeuvre de cette gigantesque métropole de 9 km de long sur 1 km de largeur s'élève à l'écart de tout. Dès lors, cet ouvrage titanesque plonge l'Égypte et son clergé dans la confusion la plus totale. Akhenaton s'y installe avec sa famille et tous les nobles en l'an VI de son règne, soit un an après le commencement des travaux. Trois ou quatre ans après sa fondation, El-Amarna fourmille déjà d'une population que l'on estime à 20.000 personnes au minimum.
L'égyptologue et chercheur Joseph Davidovits pense qu'Akhenaton utilisa l'ancienne technique de la pierre agglomérée (Biat-inir) pour effectuer ce prodige. 700 ans avant Akhenaton, cette méthode est mentionnée sur la stèle C14 du Musée du Louvre, par les paroles d'un sculpteur dénommé Irtysen : "Je connais les parties appartenant à la technique du moulage (à l'aide) d'un fluide qui durcit (de pierre coulée)... Je connais comment fabriquer des moules pour faire des reproductions d'objets coulés dans un matériau qui n'est pas brulé par le feu ni dissout par l'eau...".
Akhenaton utilise un procédé millénaire depuis longtemps négligé par les ouvriers et les prêtres d'Amon. Son père Amenhotep III avait toutefois réintroduit le concept, mais de façon modérée. Les textes sacrés attribuent cette méthode au dieu Khnum, double de Ptah-Osiris, créateur, artisan et potier du monde et de l'humanité. En abandonnant le granit au profit de la pierre quartzite agglomérée, Akhenaton réintroduit le culte de la pierre miraculeuse des constructeurs de pyramides. Il souhaite un retour à l'incarnation divine dans l'aggloméré. Selon Davidovits, le granit taillé dans le corps d'Amon ne représentait que la division de l'Égypte et le polythéisme. L'ancienne technique de la pierre agglomérée provenait du Nord, alors que celle de la pierre taillée venait du Sud. Akhenaton tenta de briser cette bivalence en installant sa nouvelle capitale El-Amarna juste au milieu du territoire afin de rapprocher les deux peuples.
Dans sa cité du soleil, les offrandes au dieu Aton débordent de nourritures. Les fresques amarniennes dépeignent l'abondance par l'accumulation d'aliments offerts à Aton. On ignore ce que devenaient ces offrandes. Etaient-elles détruites ou pourrissaient-elles sur place selon un rituel précis ? Les nombreuses tables d'offrandes retrouvées sur le site témoignent de la présence de ces donations journalières. On imagine que le peuple entier, au service d'Aton profitait de cette abondance...
Pourtant, un facteur important vient ternir ce tableau idyllique. En 2007, l'équipe du professeur d'anthropologie de l'Université d'Arkansas, Jerry Rose, effectue des tests sur des squelettes déterrés par l'archéologue Barry Kemp de l'Université de Cambridge. Les tombes d'Amarna et leurs squelettes révèlent les conditions de vie des ouvriers d'Akhenaton. Tandis que le temple d'Aton croule sous les offrandes divines, la population n'est pas aussi bien favorisée.
Dans de nombreux cas, des lésions dans les os trahissent des activités physiques pénibles. Nombre de squelettes portent surtout des signes évidents d'anémie avec la présence de protubérances au niveau des globes oculaires. Le fort taux d'anémie des enfants nés à Amarna surprend toute l'équipe, près de 60% des cas sont concernés. Ce facteur prouve que les conditions de vie à Amarna étaient pires qu'ailleurs ! Ce fort taux d'anémie associé à un taux de mortalité important repéré entre les 12 à 20 ans, forment les signes évidents d'une population malade.
Après ses nombreuses analyses, Jerry Rose se demande si la population de El-Amarna ne contracta pas une nouvelle maladie ou même des épidémies. Le brassage des populations dans la ville royale créa-t-il un nouveau virus meurtrier ? L'hypothèse de l'anthropologue Gerry Rose repose sur l'importante mortalité recensée chez les habitants les plus jeunes et les plus robustes. Les chiffres ne trompent pas.
Ces malades d'Akhenaton, ces reclus, portent un nom en égyptien, il s'agit des Ubru. Ce terme tire ses racines de Ubri (désastre, maladie). Ubri ou Ubru (au pluriel) ressemble étrangement au terme "hébreu". Si l'hypothèse de Gerry Rose se confirme, elle authentifie en tout cas la présence des Ubru (Hébreux) en Égypte et leur calvaire mentionné dans l'Ancien Testament. Il est toutefois difficile de dire si Akhenaton réalisa vraiment la situation improbable dans laquelle il plongea son peuple et l'Égypte toute entière. Son obsession pour Aton le rendit inévitablement léger et insensé sur plusieurs points majeurs. Il le paya très cher... [...].
Personnage historique en relation avec Dieu pour les uns, figure inventée de toutes pièces pour les autres, Moïse suscite la controverse depuis des siècles… Fils d’un pharaon (dont on ignore l’identité), on dit qu’il se révolta contre lui, rencontra Dieu sur le mont Sinaï, y reçut les Dix Commandements, délivra les Hébreux du joug de l’esclavage puis les conduisit en Terre promise avant de mourir.
Dans cet article magistral – en deux parties – l’écrivain prolifique Anton Parks, bien connu de nos lecteurs, remet les choses à leur juste place… En exégète averti, Anton Parks a collé au plus près des faits pour nous servir sur un plateau ce que nous envisageons comme l’hypothèse la plus crédible à ce propos… Attention, ça décoiffe !
Magazine Science et Inexpliqué n°68, mars-avril & n°69 mai-juin 2019